Superfloukse est une non-non-fiction dystopique écrite et réalisée par Leslie, Corentin et Martino, et imaginée à partir du texte « Pistage dans le cyberespace » paru dans dans le numéro 53 du journal Culture & Démocratie.
Que se racontent une trottinette en libre service, une poubelle connectée et un wi-fi de centre commercial si on leur donne la parole ?
Comment leurs conversations sont interprétées par les algorithmes et les humains qui les écoutent ?
Que se passerait-il si tous les réseaux, publics comme privés, s’interconnectaient dans une mégastructure de surveillance, aux dimensions proprement monstrueuses ?
Avec les voix d’Arthur, Caroline, Corentin, Émilie, Irene, Guillaume, Milady, Sarah et Sean.
Are smart cities just another word for surveillance society or can we truly benefit from multiple sensors in public places? We sat down with members of the Technopolice initivative in Brussels that tracks, analyses and campaigns against smart city and surveillance capitalism solutions.
Can smart city solutions protect our privacy, does surveillance work and what is the political reasoning for implementation of such solutions?
Citizen D advice:
Demand an open debate on the smart city implementations
Demand an open and up to date registry of surveillance systems implementations
Work locally and map out individual instances of smart city
More information:
Nicolas Bocquet, « The Brussels Smart City: how “intelligence” can be synonymous with video surveillance », Brussels Studies [Online], n° 159, 29 August 2021 – article
Pauline De Keersmaecker & Corentin Debailleul, « The spatial distribution of open-street CCTV in the Brussels-Capital Region », Brussels Studies [online], n° 104, 10 October 2016 – article
Jathan Sadowski. 2020. Too Smart: How Digital Capitalism is Extracting Data, Controlling Our Lives, and Taking Over the World. MIT Press – book
Evgeny Morozov and Francesca Bria. 2018. Rethinking the Smart City: Democratizing Urban Technology. Rosa Luxemburg Stiftung – report
About the podcast:
Podcast Citizen D gives you a reason for being a productive citizen. Citizen D features talks by experts in different fields focusing on the pressing topics in the field of information society and media. We can do it. Full steam ahead!
La généralisation de l’usage de la téléphonie mobile, du bornage par les antennes wi-fi et de la pratique de stockage dit « cloud » a fait émerger de nouvelles manières d’appréhender les déplacements dans l’espace public. De plus en plus répandues dans le contexte de la pandémie et d’une volonté affirmée de « gérer les foules », ces technologies participent aussi d’une surveillance généralisée des individus, souvent à des fins marchandes. En collectant massivement nos données privées dans certains espaces publics, ces dispositifs de surveillance − cartographiés par le collectif Technopolice − mettent à mal la protection de celles-ci. En outre, ils surdéterminent nos comportements, car si le pistage numérique aide à prédire les déplacements des foules, il permet aussi de les diriger sans qu’elles en aient conscience. En modifiant ainsi nos manières d’appréhender et d’habiter collectivement l’espace public, ces dispositifs ne présentent-ils pas un risque pour une approche véritablement émancipatrice de celui-ci ? Et si oui, comment en sortir ?
Instauration du passeport sanitaire, violation du secret médical par la transmission automatique d’informations personnelles concernant tests, quarantaines ou autres doses de vaccination, drones survolant les parcs pour inciter les gens à respecter la distanciation sociale, les pousser à rester chez eux voire évaluer le nombre de convives au réveillon de Noël : on peut dire que les technologies numériques ont apporté leur contribution à l’atmosphère détestable de flicage qui s’est installée dans le sillage de la pandémie de coronavirus. Néanmoins, il est une technologie de surveillance dont on a très peu entendu parler, à savoir le Wi-Fi. « Comment ça le Wi-Fi ? pourriez-vous demander. Google ? Facebook ? Les géants du Net ? – Oui certainement, vous répondrais-je. Mais le problème ne réside pas uniquement dans notre activité sur Internet. Il réside aussi dans les signaux que les smartphones envoient pour se connecter. – Ah, vous voulez parler de l’application Coronalert, pour prévenir les « cas contacts » ? Mais n’utilise-t-elle pas plutôt le Bluetooth ? – Si, en effet. Je l’ai oubliée dans mon introduction, peut-être parce que n’ayant pas rempli les promesses annoncées, les autorités l’ont discrètement enterrée… Mais non, je parle bien de la surveillance par Wi-Fi. – Alors je ne vois pas de quoi vous voulez parler ! – C’est bien le problème ! Voyons ça… »
Il était une fois le smartphone. Couteau suisse numérique du XXIe siècle, ses atouts sont sa fabuleuse puissance de calcul, la formidable ergonomie de son écran tactile mais surtout la lucarne que celui-ci ouvre sur le monde. Pour que cette dernière fonction soit pleinement remplie, la connexion est de mise. Pas d’appel, de messagerie, de météo ou de likes et encore moins de challenge TikTok tant qu’il n’y a pas de signal.
Tout téléphone portable envoie donc régulièrement un signal pour se faire connaitre de l’antenne télécom la plus proche[1]. S’il s’agit d’un smartphone dont la fonction Wi-Fi est activée, il va de surcroit envoyer des requêtes pour tenter de repérer le boitier internet de votre maison, de votre lieu de travail ou de quelque lieu où vous vous seriez déjà connecté⋅e. Capter ces signaux est un jeu d’enfant. Pas besoin de matériel lourd réservé uniquement aux services de renseignement. Non, quelques lignes de code suffisent à convertir le premier ordinateur portable venu en mouchard. Les informations ainsi recueillies sont plus ou moins riches en fonction de l’appareil utilisé. Les téléphones récents disposent de systèmes d’anonymisation automatique pour limiter la fuite de données personnelles. Mais les téléphones vieux de quelques années peuvent diffuser allègrement leur identifiant unique (adresse MAC), et les noms des derniers réseaux auxquels ils se sont connectés.
À un niveau plus expérimental, une technique alternative consiste à placer de nombreux capteurs dans une pièce où sont diffusées des ondes Wi-Fi. La présence et le déplacement de corps humains viennent perturber la répartition de ces ondes dans l’espace. Les variations d’intensité des signaux peuvent réciproquement être interprétées pour déterminer le nombre et l’emplacement des personnes présentes.
Mais qui utilise les ondes pour nous tracer et dans quel but ?
La première fois que j’ai entendu parler de cette technologie, c’était il y a quelques années, lors d’un déménagement. Le conducteur de la camionnette contribuait autant à meubler mon salon que la conversation. Il me confia avoir passé sa journée de la veille à travailler (au noir) à dissimuler des capteurs dans les plafonds des magasins du centre commercial City2. Les mouchards devaient mesurer les flux de passant⋅es et ainsi permettre au gestionnaire du centre d’adapter les loyers des différentes cellules commerciales.
Dans le secteur de la vente, c’est ce qu’on appelle la footfall analytics ou l’analyse de fréquentation. Elle est généralement basée sur l’analyse des ondes, mais elle peut aussi reposer sur celle d’images caméra ou sur une combinaison de ces deux méthodes. L’objectif déclaré est de mieux comprendre les habitudes des client⋅es en vue de faire grimper le chiffre d’affaires. En plaçant plusieurs capteurs Wi-Fi ou caméras, on peut facilement observer si un⋅e client⋅e passe plus de temps au rayon légumes ou au rayon biscuits, ou encore repérer un comportement jugé suspect, peut-être celui d’un⋅e voleur⋅se.
Si en prime on arrive à faire installer aux client⋅es quelque application mobile, il devient possible de prolonger la surveillance en dehors du magasin, d’alimenter les fameux clouds en une kyrielle de données, mais surtout de proposer de la publicité ciblée qui pourra s’adapter continuellement aux comportements observés. C’est bien ce qui s’est passé dans les centres commerciaux bruxellois gérés par AG Real Estate, où la gestion des données Wi-Fi était confiée à la société Fidzup, qui traitait celles-ci sans consentement préalable. Mise en demeure par la CNIL pour cette pratique contrevenant au Règlement général sur la protection des données (RGPD)[2], la société Fidzup a été contrainte de se mettre en règle mais a fini par devoir mettre la clé sous la porte.
Un représentant d’une société qui place ce type de dispositifs dans des chaines de magasins me racontait avoir été une fois froidement accueilli par les employé⋅es du magasin où il venait l’installer : ces dernier⋅es avaient bien compris que l’analyse ne s’appliquait pas qu’aux client⋅es mais aussi aux vendeur⋅ses. Un mauvais « taux de conversion » − soit un ratio trop faible entre le décompte de client⋅es entré⋅es dans le magasin et le nombre de tickets imprimés pendant vos heures de travail − et hop ! voilà que le système pouvait enregistrer une nouvelle sortie du magasin, définitive celle-ci. Ou comment se faire virer par une box Wi-Fi…
Si en prime on arrive à faire installer aux client⋅es quelque application mobile, il devient possible de prolonger la surveillance en dehors du magasin, d’alimenter les fameux clouds en une kyrielle de données, mais surtout de proposer de la publicité ciblée qui pourra s’adapter continuellement aux comportements observés.
Nouvelle confrontation avec l’exploitation des ondes Wi-Fi en 2019, lorsque l’asbl Constant a organisé une balade dans le Marché de Noël de Bruxelles pour attirer l’attention sur l’utilisation de cette technologie dans l’espace public[3]. On y apprenait que c’était une expérience menée en partenariat par un laboratoire de polytechnique de l’ULB (OPERA-WCG) et Brussels Major Events (BME), une asbl satellite de la Ville de Bruxelles, qui prend en charge l’organisation des grands évènements de la capitale, tels que le Nouvel An ou Bruxelles-les-Bains. Lors de ces évènements, l’intérêt n’est assurément plus de fixer les loyers, mais de « gérer la foule ». S’il y a un incident qui hante les nuits des organisateur⋅ices d’évènements à Bruxelles, c’est bien « le drame du Heysel » de 1985, lors duquel un mouvement de foule avait provoqué la mort de dizaines de personnes et en avait blessé plusieurs centaines. L’idée est donc d’évaluer le nombre de personnes présentes à un évènement de masse, de manière à mieux canaliser la foule voire fermer les accès en cas de dépassement du seuil choisi.
Comme tout le monde n’a pas forcément sur soi un smartphone dont le Wi-Fi est allumé, un facteur multiplicatif est appliqué sur base de tests effectués en croisant différentes techniques de comptage. À en croire les ingénieur⋅es en charge du projet, il n’y a néanmoins pas le moindre souci à se faire du côté de la vie privée, car les données sont directement anonymisées, au point qu’un bureau d’avocat⋅es ayant examiné leur procédure a certifié sa conformité avec le RGPD. Dans la mesure où tous les expert⋅es en matière de données relatives à la vie privée insistent sur le fait que l’anonymisation est un leurre et qu’il est préférable de parler de « pseudonymisation » en gardant en tête qu’il est généralement possible de réidentifier les données, le scepticisme est de mise face aux déclarations des ingénieur⋅es. Mais il est vrai que la technique mobilisée ici, composée d’opérations successives de hachage et de chiffrement, et ce directement au niveau de la capture de l’information, avant même son envoi vers les serveurs de conservation des données, semble effectivement assez sérieuse. Et en l’absence d’autres données personnelles associées à l’identifiant anonymisé, il n’y a effectivement pas de possibilité de réidentification.
La prudence reste de mise, comme l’illustre la société d’analyse vidéo ACIC : elle propose une formule « Privacy » qui floute les visages des personnes sur les images de vidéosurveillance. Mais la fonction peut être désactivée par qui dispose des droits d’administration, de manière à pouvoir fournir des images « désanonymisées » à la police en cas de besoin. Dans la mesure où l’expérience menée à l’ULB s’avère porter ses fruits, elle pourrait faire l’objet d’une commercialisation dans les prochaines années : que répondront les ingénieur⋅es quand la police conditionnera l’achat de leur système à la possibilité de se réserver un accès privilégié aux données brutes ?
L’expérience menée à l’ULB s’avère porter ses fruits, elle pourrait faire l’objet d’une commercialisation dans les prochaines années : que répondront les ingénieur⋅es quand la police conditionnera l’achat de leur système à la possibilité de se réserver un accès privilégié aux données brutes ?
Déconfinement de la surveillance
Lorsque la pandémie de coronavirus s’est atténuée et que les magasins ont pu rouvrir, la ville de Bruxelles a contacté BME pour réfléchir à la meilleure manière de gérer la foule dans le centre-ville. BME, à son tour, s’est reportée sur l’équipe de chercheur⋅ses d’OPERA-WCG et très vite, la décision a été prise d’installer des capteurs Wi-Fi le long de la rue Neuve de manière à limiter l’affluence et à faire respecter les distances préconisées pour enrayer la propagation du virus. Lors du déconfinement, un dispositif de barrières, bandes de circulation piétonne et feux de signalisation aux entrées de la rue matérialisaient le dispositif. Aujourd’hui, la régulation se fait plutôt sous la forme de recommandation : les chalands peuvent consulter le site rueneuvebruxelles.be pour s’informer sur les moments plus calmes de la journée durant lesquels il serait préférable de faire son shopping. Mais les capteurs sont toujours présents.
L’épidémie a favorisé ouvertement le déploiement de techniques de footfall analytics dans l’espace public, mais la tendance, pourtant bien réelle, est moins visible dans les espaces privés. En effet, bien que ces techniques soient méconnues du grand public, elles sont déjà fort répandues dans les commerces. Le site carto.technopolice.be recense différentes technologies de surveillance et de contrôle présentes dans l’espace public. Y sont principalement répertoriées les caméras de surveillance classiques, « intelligentes » ou à reconnaissance de plaque d’immatriculation, mais aussi les antennes télécom et les dispositifs de footfall analytics. On retrouve donc la rue Neuve sur la carte, ainsi que les principaux centres commerciaux. Si l’on sait que les pictogrammes devant indiquer la présence de caméras de vidéosurveillance sont rarement dûment installés, au moins les caméras sont-elles visibles… tandis que les dispositifs de comptage peuvent être relativement discrets. Lors de la balade de l’association Constant au Marché de Noël, bien que connaissant leur présence, nous n’avons pas été en mesure de les repérer physiquement. Il est donc possible que la carte de Technopolice sous-estime grandement l’ampleur du phénomène. Et de fait, la société Amoobi – spin-off du laboratoire de l’ULB susmentionné – indique par exemple sur son site compter parmi ses client⋅es rien de moins que IKEA, MediaMarkt, Brico, Carrefour, Delhaize, Aldi, et j’en passe[4]. La question n’est donc pas tant de savoir si les espaces urbains échappent à ce type de surveillance mais plutôt lesquels y échappent.
Au rayon futurologie
Les ingénieur⋅es d’OPERA-WCG ne se contentent pas de décrire ce qui est mais ambitionnent aussi de prédire ce qui sera. Les données collectées sont analysées au cours de la journée de manière à dégager des modèles, ce qui a permis de développer des algorithmes de prédiction d’affluence. Ainsi, s’il est 9 h du matin à l’heure d’écrire ces lignes, le site rueneuvebruxelles.be prévoit des pics de fréquentation entre 13 et 17 h. Sans l’appui de tels algorithmes, nous allons nous aussi nous risquer à esquisser la direction que pourraient prendre les ondes Wi-Fi à l’avenir…
Avec une infrastructure réseau tentaculaire, un registre clientèle permettant de relier facilement les identifiants des appareils à des individus en chair et en os, un chiffre d’affaires autorisant de somptuaires dépenses en recherche et développement, la société est bien positionnée pour déployer une surveillance massive sur le territoire belge.
À la STIB par exemple, un système compte déjà le nombre de franchissements de portiques dans les stations et des recommandations sont ainsi formulées sur les lignes et les heures à préférer. Mais ce n’est qu’un début. La société réfléchit depuis longtemps à des méthodes plus fines pour analyser la fréquentation de ses services et stations. Aucune solution existante sur le marché n’a encore satisfait ses dirigeant⋅es. Elle a donc récemment annoncé le lancement d’un gigantesque chantier nommé « muntsroom », en partenariat avec Agoria, le lobby des industriels des nouvelles technologies, et à grand renfort de fonds régionaux et européens. Le projet a pour objectif de développer « une solution permettant de visualiser les flux de personnes 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 (comptage, direction, vitesse), de faciliter l’analyse partagée des données et de mettre les données sur les flux de personnes à la disposition d’un large éventail d’utilisateurs »[5]. Le marché sera attribué en décembre 2021.
Par ailleurs, OPERA-WCG et Brussels Major Events ont aussi collaboré sur un projet de recherche avec la société Proximus. En tant qu’opérateur télécom, Proximus quadrille le territoire d’antennes GSM. Comme on l’a vu, ces antennes permettent de localiser les téléphones. Avec la succession des générations de téléphonie, les puissances d’émission augmentent, ce qui nécessite d’ajouter toujours plus d’antennes, réduisant d’autant la taille des cellules. Le déploiement de la 5G à haute fréquence n’annonce donc rien de bon de ce côté-là. De plus, les opérateurs téléphoniques sont généralement aussi des fournisseurs d’accès à internet (FAI). Tel saint Pierre aux portes du Paradis, ce sont eux qui ouvrent la voie vers le cloud. C’est le cas de Proximus, qui propose aussi un bien mal-nommé « public wi-fi » pour permettre à ses client⋅es de se connecter d’à peu près n’importe où. Ce service exploite en fait les boitiers internet des particulier⋅es qui diffusent un signal accessible à tou⋅tes les abonné⋅es Proximus en plus du Wi-Fi local. Avec une infrastructure réseau tentaculaire, un registre clientèle permettant de relier facilement les identifiants des appareils à des individus en chair et en os, un chiffre d’affaires autorisant de somptuaires dépenses en recherche et développement, la société est bien positionnée pour déployer une surveillance massive sur le territoire belge.
J’ai pointé les enjeux de vie privée liés aux données personnelles, mais ces technologies nous en apprennent aussi sur l’évolution des modes de gouvernement. Elles favorisent l’avancée vers un monde où il n’y a plus ni droit, ni obligation, ni interdiction générale de faire ceci ou cela − de circuler rue Neuve ou de se rendre à un concert, de se faire tester ou vacciner. Non, dorénavant, la situation sera analysée en temps réel et l’autorisation pourra être accordée ou refusée au cas par cas, en fonction de l’impact attendu de toute action sur la courbe de croissance, de santé ou de quoi que ce soit qu’il s’agira d’optimiser selon l’agenda du moment. Si nous ne regretterons pas la rigidité procédurale qui pouvait caractériser jusqu’ici l’action étatique, il n’est pas certain que l’instabilité permanente dans laquelle nous plongeons soit beaucoup plus respirable.
Comment souhaitons-nous nous organiser et communiquer ensemble ? Avec quelles conséquences pour nos vies quotidiennes ? Nos socialités ? Notre environnement ? Dans quelle mesure tel choix nous rend plus libres ou plus dépendant⋅es ? Il est alors possible de toucher au caractère politique de ces questions.
Peut-on échapper à la surveillance ?
Individuellement, il est bien sûr possible de laisser son téléphone à la maison ou de désactiver le Wi-Fi et le Bluetooth de notre smartphone avant de sortir de chez nous, de manière à disparaitre des radars. À l’inverse, certain⋅es hacker⋅euses proposent plutôt d’inonder les systèmes de surveillance de toutes sortes d’informations plus ou moins farfelues pour que les vraies données se retrouvent noyées dans le « bruit »[6]. Il existe aussi des systèmes d’exploitation sous licence libre, qui s’attachent à améliorer la sécurité informatique des appareils et à limiter les possibilités de surveillance. Des « ateliers d’autodéfense numérique » sont régulièrement organisés pour partager les savoirs et les pratiques sur le sujet[7]. Ces moments permettent surtout ne pas rester seul·e face aux difficultés qu’on rencontre immanquablement dès qu’on s’écarte des solutions toutes faites. Ces ateliers peuvent aussi s’organiser au sein de collectifs, d’associations ou autres, de manière à poser collectivement la question : comment souhaitons-nous nous organiser et communiquer ensemble ? Avec quelles conséquences pour nos vies quotidiennes ? Nos socialités ? Notre environnement ? Dans quelle mesure tel choix nous rend plus libres ou plus dépendant⋅es ? Il est alors possible de toucher au caractère politique de ces questions et de réaliser qu’elles méritent d’être posées à toutes les échelles. Cependant, tant que les entreprises et les gouvernements courront après les données pour mieux nous profiler et nous gérer, il nous faudra tenir le rythme. Mais sans disposer des mêmes moyens, pourrons-nous tenir la distance ? Il apparait par exemple que des modes de surveillance basés sur la détection des odeurs corporelles sont actuellement à l’étude, témoignant une fois encore de l’absence de limite à ce qui peut faire l’objet d’une mesure et d’une analyse. Allons-nous enfiler des combinaisons d’astronaute pour nous protéger de tout type d’intrusion ? Ou bien ne vaut-il pas mieux mettre un terme à la société de surveillance ?
Merci aux responsables de ACIC et OPERA-WCG qui ont bien voulu répondre à mes questions.
[1] À noter que les opérateurs télécom ont longtemps été légalement contraints de conserver ces données durant un an. Merci à celles et ceux qui ont lutté pour qu’un jugement européen fasse casser cette loi. Cependant, la France a déjà annoncé qu’elle contournerait cette décision, à voir donc comment la Belgique réagira… Affaire à suivre !
[3] Cette balade concluait l’exploration menée par Kurt Tichy et Alex Zakkas, dont on peut retrouver le travail à l’adresse du lien ICI.
[4] En raison de difficultés d’exploitation des données issues des ondes (réflexion, réfraction…), la société Amoobi se concentre aujourd’hui sur l’analyse d’images issues de caméras.
Le collectif Technopolice lutte contre la surveillance massive de nos faits et gestes à laquelle nous sommes soumis. Ses armes : l’information, la conscientisation, par le biais de balades et d’ateliers d’auto-défense numérique.
« Pour les caméras privées, regardez plutôt à la hauteur des portes. Les publiques sont souvent placées plus haut, ce sont de plus gros modèles multidirectionnels. » Par petits groupes de quatre, la vingtaine de participants à la balade de cartographie de la surveillance organisée par le collectif Technopolice s’égaye dans le quartier de la gare du Nord. À chaque groupe sa zone – la nôtre est coloriée en brun sur la carte. Catherine accompagne son fils Thom [1] : « C’est un sujet qui m’inquiète. Je n’ai rien à cacher, mais le fait d’être toujours potentiellement surveillée me donne le sentiment d’une perte de liberté. » Dès les premiers cent mètres, une caméra pointe son objectif au-dessus d’une porte. « Il est autorisé de filmer exclusivement son espace privé, remarque Corentin, membre de Technopolice, mais l’angle de prise de vue est très souvent beaucoup plus large. Et la police n’est pas vraiment contre… Elle est plutôt intéressée de savoir qu’une caméra existe – il faut lui déclarer son installation. » Une plaque signalant le dispositif est aussi censée être apposée. Au long des rues, tous les cas sont visibles : des caméras sans plaque, des plaques sans caméra – un espoir de dissuasion à moindres frais ? – et, quelquefois tout de même, les deux.
Dans tous les coins de ce quartier populaire, les objectifs qui surveillent les passants sont présents. Au-dessus des boutiques, des garages, des cafés, des feux rouges, de chaque place publique, à la porte d’une église même. « C’est un peu le jeu ‘‘Où est Charlie ?’’ » [2], rigole Thom. « Je ne peux plus partir en vacances sans voir des caméras partout », constate Corentin. Même des maisons privées sont munies de ces petits engins espions. « Les caméras publiques sont plus nombreuses dans le centre ville, les centres commerçants, poursuit le membre de Technopolice, et dans les quartiers populaires autour de ces centres – Matonge, Cureghem, Molenbeek, ici… Mais les divergences se réduisent parce qu’il y a de plus en plus de caméras, sur tous les territoires. » Surveillance des dépôts clandestins et des bulles à verre, respect de la Zone de basse émission, les raisons invoquées pour ajouter de nouveaux dispositifs ne manquent pas. « Et l’arrivée des petites caméras reliées simplement à un ordinateur a fait encore augmenter la présence des systèmes privés – même si elles ne sont pas nécessairement en fonction, ou n’enregistrent rien, les gens ayant l’idée que leur simple présence est dissuasive. »
Au fil des rues, Catherine et Corentin entrent sur une carte dans leur smartphone (le collectif en a à disposition pour tous ceux qui n’en possèdent pas) la position des caméras. L’impression est désagréable : elles sont absolument partout… Thom, qui est cameraman, s’intéresse évidemment beaucoup à cette présence continuelle de l’image. « Les caméras colonisent notre quotidien, mais il y a toujours un hors-champ… La majorité des crimes se passent hors-champ, alors à quoi servent réellement ces caméras ? » Matvei, qui vient de sillonner entre autres la très commerçante et populaire rue de Brabant, constate : « Plein de gens se surveillent eux-mêmes, finalement… Et si la police a envie de traquer mon trajet, rien de plus facile, je n’ai pas croisé une rue sans caméra… » Cap, militant d’Extinction Rebellion, a d’ailleurs renoncé à les éviter lors de ses actions de désobéissance civile. « C’est un peu décourageant cette impression que la majorité des citoyens se dit que si tu n’as rien à cacher ce n’est pas un problème. Mais venir ici permet de se sentir moins seul, de quitter un peu son écran pour réinvestir l’espace public. »
Une surveillance tangible
« Nous avons eu cette idée de balades précisément pour rendre cette surveillance visible, tangible », explique Pavel, membre de Technopolice. « C’est une porte d’entrée vers différents enjeux qui ne sont jamais discutés, complète Julien, autre militant du collectif. Qui paye pour tout ce matériel, par exemple ? Qui surveille-t-on, pourquoi ? Qui définit ce que sont les ‘‘comportements suspects’’ ? Ce sont des questions démocratiques qui ne sont jamais posées. »
Plus largement, c’est notre société de surveillance et de contrôle social que critique le collectif. Avec pour première arme la conscientisation. Technopolice cartographie, mais aussi collecte et diffuse les éléments d’information dont il dispose, organise des formations. « Nous cherchons à donner des clés de compréhension aux gens. Mieux comprendre ces enjeux permet de trouver des pistes de résistance. » Car la surveillance ne cesse de s’étendre, et la crise du Covid a encore renforcé le mouvement. Les drones se multiplient lors des manifestations – ou des soirées dans des jardins… La reconnaissance faciale devient possible avec de plus en plus de dispositifs. « A la gare du Midi, les caméras sont à présent installées pour faire face aux portes d’entrée, d’ascenseurs, d’escalators. La reconnaissance est utilisée à l’aéroport… Un centre de vidéosurveillance n’a pas le droit d’en faire, mais avoir une photo de quelqu’un et repérer cette personne dans une foule est autorisé. La reconnaissance faciale est pourtant une technique très problématique, où les faux positifs sont nombreux, les biais raciaux aussi. »
La 5G est un exemple emblématique de cette extension du domaine de la surveillance. « Elle pose évidemment un énorme problème écologique, expose Pavel, mais si nous prenons les lunettes de la surveillance, la 5G facilitera largement la mise en place des caméras : à l’heure actuelle il faut des câbles de fibre optique, ouvrir les trottoirs, ou utiliser un réseau wifi pas toujours stable. Ce ne sera plus le cas. L’ensemble des dispositifs de vidéosurveillance pourra être connecté en faisant tourner la reconnaissance faciale. » Sans compter la triangulation des téléphones portables, dont la précision passe d’une centaine de mètres aujourd’hui à quelques centimètres avec la 5G, ou la collecte (encore plus) massive de données par les Gafam. En étudiant les demandes de permis, Technopolice a réalisé une carte des antennes 5G (« light » ou standard) déjà installées (même si encore inactives probablement en Wallonie). « C’est un symbole de l’argument ‘‘on ne peut pas arrêter le progrès’’, commente Julien. Et on ne regarde alors pas les externalités… »
La liste est longue de ce « solutionnisme technologique », comme le dénonce Pavel. Plutôt que de diminuer les flux de transports en ville, on les « optimise » à coups de dispositifs techniques ; on installe des poubelles « intelligentes », qui consomment de l’énergie, plutôt que de les faire contrôler par des humains ; on multiplie les technologies de surveillance avec l’argument de contrer le terrorisme (« alors que ce n’est pas ça qui l’arrêtera ») plutôt que de chercher à en dénouer les raisons ; on prône l’usage d’une application Coronalert (« sans que rien ne prouve son efficacité ») plutôt que d’investir dans les hôpitaux… « Toutes ces problématiques sont transformées en questions techniques auxquelles des solutions technologiques pourraient répondre pour montrer ainsi qu’on fait quelque chose, mais sans remonter à leurs sources. Nous voulons remettre la technologie dans son contexte politique. »
Rien à cacher
Une trentaine de personnes sont réunies ce dimanche soir de mai. Au programme, un atelier d’auto-défense numérique. Ordinateurs et téléphones portables sont des portes largement ouvertes pour qui veut sur nos habitudes, nos liens, nos faits et gestes, nos opinions, nos préférences. Nous le savons à peu près tous – et les révélations d’Edward Snowden entre autres l’ont largement mis en lumière – et pourtant bien peu d’entre nous s’en indignent et agissent en conséquence. Car, comme le disait Catherine lors de la balade, « nous n’avons rien à cacher ». C’est un argument contre lequel se bat Technopolice avec force. « Si je n’ai rien à me reprocher, je n’ai rien à craindre… Nous sommes dans un État de droit, il y a des garde-fous, rien de grave ne peut arriver… » Le groupe tente de faire prendre conscience de la dimension collective de cette question et de notre responsabilité citoyenne par rapport à ceux qui n’ont pas la chance « de correspondre à la norme dominante ».
« Car ce ‘‘je n’ai rien à cacher’’ est lié d’abord à un ordre actuel qui fonctionne selon notre intérêt, explique Pavel. Mais cet ordre n’est pas favorable à tous, de plus petits groupes dans la société ne correspondent pas à la norme majoritaire. Et puis cette norme peut changer, des comportements acceptables aujourd’hui peuvent ne plus l’être demain ou dans un autre contexte. » Or si l’écrasante majorité des mails échangés, des recherches sur Internet, des consultations de sites se font sans le moindre cryptage et confidentialité, ceux qui y ont recourt par nécessité sont immédiatement perçus comme suspects. « C’est collectivement que nous pouvons protéger les minorités, la démocratie », insiste Julien. Si même les envois de photos de chats sont chiffrés, ceux qui contiennent des informations véritablement sensibles ont plus de chance de passer inaperçus. « En réalité, nous avons tous quelque chose à cacher, poursuivent les membres du collectif. Il n’y a pas grand monde qui donnerait volontiers son code d’accès à sa boîte mail. Et ce n’est pas parce qu’on veut cacher quelque chose, qu’on préfère l’anonymat, qu’on a fait quelque chose de mal ! » Avoir une vie véritablement privée, se soustraire au regard des autres est capital pour la construction de soi, de son autonomie, pour se donner le droit à l’erreur et au changement. « L’auto-censure n’est pas le seul problème potentiel, ajoute Pavel, se savoir surveillé induit une pensée de meute et rend très difficile le développement d’une pensée dissidente. Cela pose question en démocratie… »
Dans l’assemblée, Arthur, jeune étudiant qui s’intéresse à la digitalisation de la société, s’inquiète du peu de questions que nous nous posons. « Nous sommes sur WhatsApp, c’est confortable, et on y reste, même si nous savons qu’il y a un problème… C’est vraiment important de réfléchir à ce type de choses. » Sa voisine Céline, une professeure, abonde dans le même sens avec l’entrée de Microsoft et de son logiciel Teams à l’école. « Souvent on se dit qu’on n’arrivera pas à faire changer les choses, qu’on est trop peu à se sentir concernés… et on ne bouge pas. Mais dorénavant je vais passer à Linux et faire tout en crypté ! »
Du côté des orateurs, Pavel et Bernard tentent (avec succès) d’être les plus didactiques possible, même si le public de ce soir-là est majoritairement composé de personnes déjà averties. « Notre but est de montrer à quel point nous sommes surveillés. À chacun ensuite de choisir son modèle de menace et d’adapter ses comportements en conséquence. En sécurité informatique il faut d’abord avoir une compréhension du système, sinon un outil peut être mal utilisé et procurer un (faux) sentiment de sécurité. » Dans quelle mesure ai-je besoin de me protéger ? Qu’est-ce que je veux protéger ? De qui ? Quelles difficultés suis-je prêt à rencontrer pour tenter de prévenir les conséquences potentielles d’une surveillance ?
Juliette, une des militantes de Technopolice, écoute attentivement dans le fond de la salle. « Je débute dans ma recherche d’autonomie, témoigne-t-elle, j’ai commencé à m’intéresser aux alternatives parce que je me sentais un peu inscrite malgré moi sur les réseaux sociaux notamment. C’est moins confortable, mais cela me permet de garder une distance critique par rapport à ce que je fais, d’en prendre plus conscience. C’est un choix politique. » Schémas à l’appui, on passe en revue l’intérêt des logiciels libres, « une bataille fondamentale à mener : soit c’est le logiciel qui contrôle l’utilisateur, soit c’est l’utilisateur qui contrôle le logiciel » ; on détaille ce qui se passe derrière notre écran lorsque nous consultons une page web, et comment notre fournisseur d’accès et notre moteur de recherche récoltent ainsi une mine d’informations, tout comme les multiples trackers et cookies présents sur la moindre page [3] ; avant de passer au téléphone mobile – « une seule vraie solution, vous en débarrasser… » À défaut, Pavel lui a au moins « dégooglisé » son smartphone. « Mais c’est long, compliqué, et ça ne fonctionne pas toujours. » Comme l’explique Bernard, la protection des communications est très pauvre, et « pour vous contacter on doit savoir où vous êtes, donc on peut vous tracker. Et même si votre téléphone est protégé au maximum, il est toujours possible d’en tirer plein d’informations… »
Le dimanche suivant, à la fin de la balade, Lucien explique les sacrifices auxquels il a consenti pour rendre un peu plus privés ses usages numériques. « Certains logiciels, systèmes ou applications sont facilement remplaçables, d’autres pas vraiment. Je fais des concessions sur le confort c’est évident, c’est moins rapide, parfois chiant. Mais ça vaut la peine, même si ce n’est pas à fond. Déjà être sur Signal plutôt que WhatsApp : j’ai réussi à convaincre d’autres personnes d’y passer, c’est déjà ça, c’est déjà une petite baisse du niveau de surveillance. »
Se réapproprier ces outils est un premier pas. Technopolice a d’ailleurs programmé une séance « cours pratique » à la rentrée, pour aider ceux qui veulent se lancer dans la bataille pour la protection de leur vie privée et de notre vie démocratique. « C’est important que les militants de toutes sortes de luttes se penchent sur cette question, conclut Pavel. Car elle est la base de toutes les autres, elle est essentielle. »
[1] Certains noms ont été modifiés pour respecter l’anonymat de nos interlocuteurs.
[2] Livres-jeux dont l’objectif est de retrouver sur une image très dense et chargée un personnage à bonnet et pull marin, Charlie.
Interview door Keltoum Belorf voor De Wereld Morgen (24/08/2021).
Camera’s in Schaerbeek
Camera’s die nummerplaten of gezichten kunnen herkennen, drones die boven betogingen hangen, wifi-sensoren in winkels en winkelstraten, de stad zit op de digitaliseringstrein. Ze registreert en classificeert het gedrag van haar inwoners om ze vervolgens met algoritmes te analyseren en te gebruiken voor commerciële en politionele doeleinden. Alleen al de term ‘smart city’ doet bestuurders van grote steden watertanden. Het klinkt efficiënt, clean en veelbelovend. De tijden zijn veranderd, we kunnen er niet meer omheen, luidt het. Maar waar ligt de grens? Wanneer wordt een smart city een surveillance city? We spraken met het collectief Technopolice Bruxelles. Een collectief dat pleit voor een publiek debat over het inzetten van digitale tools door politiediensten om data van burgers te verzamelen.
Van defund the police naar technopolice
Vorig jaar na de moord op George Floys ontstond uit de schoot van de BLM-beweging de campagne voor afschaffing van het instituut politie om een einde te maken aan het politiegeweld. Een debat dat veel aanhang kreeg in de beweging vanuit de redenering dat het instituut politie geworteld is in de racistische en koloniale geschiedenis van de VS en een mentaliteit draagt die niet kan veranderd worden.
Maar sommigen vrezen dat in de plaats een andere vorm van repressie zal komen. Eén zonder gezicht, ook wel de techno-politie genoemd. Een door algoritme gestuurde repressie-apparaat. En de vrees is niet ongegrond want de politiediensten in grote steden, ook bij ons, zetten nu al heel wat digitale middelen in om data te verzamelen. Ik sprak met Stan en Chris van het collectief Technopolice Bruxelles af bij Constant vzw in Brussel. Chris doet onderzoek rond Smart Cities en Stan is student sociologie. Constant vzw is partner in het Technopolice project en in de vitrine van hun kantoor kan je de kaart bekijken van Brussel met de punten waar camera’s en andere dataverzamelingstools aanwezig zijn.
Chris: “Via een collega hoorde ik enkele jaren geleden van de campagne Technopolice die in Frankrijk werd gestart. We besloten om de mensen erachter te contacteren om de campagne ook in België te doen. We hebben een collectief gestart met een tiental vrijwilligers. Toen brak corona uit en lag de campagne even stil. Het koste ons wat tijd om er terug in te vliegen.”
Stan: “Ik heb me later bij het collectief aangesloten via een vriend. Ik volgde een lezing op de ULB over het thema en raakte erdoor geboeid. Iedereen kan zich bij het collectief aansluiten, er is geen lidmaatschap nodig. Het samenwerken in een collectief vind ik leuk. Het is een soort affiniteitgroep.
Data verzamelen over surveillance technologie in de stad
Chris: “Met de Technopolice campagne willen we samen met het publiek zoveel mogelijk data verzamelen over het gebruik van surveillance technologie in de stad. En mensen op die manier bewust maken van hoe snel het kan afglijden naar een soort totalitaire controle van onze publieke ruimte waar geen privacy meer mogelijk is. De volgende stap is samen bekijken hoe we rond dit thema strategieën van verzet kunnen ontwikkelen.”
“Het inzetten van tech-tools in de publieke ruimte voor politionele doeleinden is een soort grijze zone en we willen het publieke debat daarover stimuleren.”
Stan: “Het inzetten van tech-tools in de publieke ruimte voor politionele doeleinden is een soort grijze zone en we willen het publieke debat daarover stimuleren.”
Chris: “We willen ook een kritisch discours ontwikkelen over surveillance technologie vanuit verschillende invalshoeken zoals democratie en privacy. Een van onze doelen is om meer juridisch geschoolde mensen in de strijd te betrekken. Zij kunnen nagaan waar die politionele technologie opereert in strijd met bestaande wetten, om dan via juridische weg die overtredingen te kunnen aanklagen.”
Stan: “Bijvoorbeeld een organisatie als de Liga voor Mensenrechten kan een grotere beweging organiseren rond de juridische aspecten van surveillance technologie.”
Camera’s, drones, predictive policing
Chris: “Camera’s zijn de belangrijkste zichtbare tools die ingezet worden. Maar daarin zijn ook verschillen. Je hebt de straatcamera’s, de verkeerscamera’s voor nummerplaatherkenning, de privé-camera’s, gezichtsherkenning-technologie, etc … “
Stan: “Het inzetten van drones is een ander ding. De federale politie heeft vijf à tien drones die geregeld worden ingezet in Brussel. Ze zijn al regelmatig gebruikt op betogingen en ook tijdens de lockdown. De politie dreigde er zelfs vorig jaar met kerst mee om ze met infrarood camera’s uit te rusten en in te zetten om te controleren of er niet te veel mensen thuis hadden afgesproken. Dat klinkt toch al heel dystopisch.”
Chris: “Een andere technologie waar we hier nog weinig over horen in de mainstream is predictive policing. Dat is het summum van technopolice. Dat betekent dat je de politie niet geregeld laat patrouilleren in bepaalde delen van de stad maar dat een computer eerst een analyse maakt van de verzamelde data in de stad en dan voorspellingen doet in welke delen van de stad de kans groot is dat er zich problemen voordoen. Dit systeem wordt nu op veel plaatsen gebruikt in de VS. We weten dat de federale politie daar experimenten rond houdt. De exacte info daarover hebben we niet, maar het is wel iets dat er aan zit te komen. Dit zal de vooroordelen die reeds bestaan versterken, maar tegelijkertijd zal dit systeem gepresenteerd worden als ‘neutraal’, want het algoritme heeft het zo berekend.”
Trackingsystemen in winkel en winkelstraten
Stan: “Een ander probleem dat we ook in de schijnwerpers willen zetten, zijn de telecom-antennes. Het aantal telecom-zendmasten binnen een bepaalde afstand bepaalt hoe nauwkeurig iemand met een smartphone kan gelokaliseerd worden. Hoe meer antennes er zijn, hoe preciezer je kan gelokaliseerd worden. We hoopten die discussie te kunnen lanceren met heel het 5G-debat. Dat is er natuurlijk op gericht om meer antennes te installeren binnen dezelfde oppervlakte in vergelijking met 4G. Want 5G heeft namelijk een kortere range en heeft veel meer antennes nodig.”
“Mensen denken vaak dat ze met een oude gsm zoals een oude Nokia niet kunnen getraceerd worden. Maar dat klopt niet”
Chris: “Mensen denken vaak dat ze met een oude gsm zoals een oude Nokia niet kunnen getraceerd worden. Maar dat klopt niet. Ook zij kunnen heel precies getraceerd worden, naarmate er meer antennes zijn op een kortere oppervlakte.”
Stan: “De issues waarover we bekommerd zijn, is de vrijheid en privacy van mensen. Bij een betoging bijvoorbeeld, kan de telecommaatschappij exact zien wie er allemaal was en wie welk traject gelopen heeft. Er wordt veel data verzameld die kan gebruikt worden door politiediensten.”
Chris: “Al deze data die telecombedrijven verzamelen kunnen ze minstens een jaar bewaren en kan opgevraagd worden door politiediensten. Het is een grijze zone. Bijvoorbeeld in welke gevallen mag het al dan niet ingekeken/opgevraagd worden door politiediensten of andere instanties.”
“Al deze data die telecombedrijven verzamelen kunnen ze minstens een jaar bewaren en kan opgevraagd worden door politiediensten.”
Stan: “Bijvoorbeeld in de Nieuwstraat, de winkelstraat in Brussel, is er een toestel geïnstalleerd dat mensen telt die er passeren aan de hand van het wifi-signaal van de gsm’s. Dit werd gemotiveerd vanuit de coronamaatregelen om te monitoren dat er niet te veel volk is en er voldoende afstand kan gehouden worden. Maar dezelfde tool is ook in shoppingcenter City2 gebruikt om te tracken op welke locaties mensen precies stoppen en hoe lang. Een grote hoeveelheid data wordt verzameld die ook ingezet wordt voor commerciële doeleinden, bijvoorbeeld in dit geval om hogere huurprijzen te vragen voor bepaalde winkelpanden.”
Chris: “Ook veel winkels hebben dat soort trackingsystemen. Als jouw wifi of bluetooth aan staat, kunnen ze exact zien welke afdelingen je hebt bezocht in de winkel en hoelang je stilstond bij welk rayon of product.”
Stan: “Hier wordt het vooral ingezet voor commerciële doeleinden, maar dat soort datacollectie op bijvoorbeeld een betoging is problematisch vanuit democratisch oogpunt.”
“Dat soort datacollectie op bijvoorbeeld een betoging is problematisch vanuit democratisch oogpunt.”
Databanken linken
Chris: “Een andere vraag is wat als de databanken gelinkt worden? Nu wordt de data van deze surveillance technologie afzonderlijk gebruikt. Maar bijvoorbeeld de data van gezichtsherkennningsoftware gebruiken ze reeds voor bepaalde cases. Naar we weten, mogen ze deze data al linken met de nummerplaatherkennings-database. Dus je ziet de databanken gelinkt worden, bijvoorbeeld data uit gezichtsherkenning met wifiregistratiepunten en nummerplaatregistratie. De staat weet op elk moment waar je bent en wat je doet. Dit is de richting waar we naartoe dreigen te gaan. Daarom de vraag: is dit de maatschappij die we willen en wandelen we er gewoon blind naartoe, of willen we alsnog aan de alarmbel trekken?”
“Is dit de maatschappij die we willen en wandelen we er gewoon blind naartoe of willen we alsnog aan de alarmbel trekken?”
Stan: “Op het eerste gezicht lijkt het onschuldige metadata van mensen, zoals waar je bent en wanneer, maar het wordt interessant als die data over een langere termijn verzameld worden en via algoritmes geanalyseerd worden. Dan kan je er patronen uit afleiden die je meer informatie geven over iemands privé-leven.”
Is dit niet onvermijdelijk. We zitten toch ook massaal op Facebook?
Stan: “Je kan kiezen om al dan niet op een platform als Facebook actief te zijn en je data vrij te geven. Maar je kiest er niet voor om in een plek te wonen waar elke stap die je zet, geregistreerd wordt. Je kan je ook totaal niet ontdoen van die controlesystemen.”
Chris: “We zijn niet naïef, het is een evolutie die we niet kunnen tegenhouden, maar het is niet omdat sociale mediaplatformen als Facebook onze data verzamelen en gebruiken, dat we het zomaar moeten aanvaarden van onze steden. Er is altijd een momentum voor de staat of politie, bijv. bij een aanslag, om dat soort surveillance-tools ingang te laten vinden. Maar ook wij hebben een momentum om hier tegen in te gaan, bijvoorbeeld bij schandalen van Facebook waar gelekte data van users wordt misbruikt. We moeten klaarstaan met onze argumenten en netwerk om er tegenaan te gaan als er weer eens zo’n momentum opduikt.”
“We zijn niet naïef, het is een evolutie die we niet kunnen tegenhouden, maar het is niet omdat sociale mediaplatformen als Facebook onze data verzamelen en gebruiken dat we het zomaar moeten aanvaarden van onze steden.”
Dunne grens tussen smart city en surveillance city
Chris: “Smart city wordt voorgesteld als een efficiënte, duurzame, groene stad, die goed is voor iedereen. Maar de grens is flinterdun, de technische tools waarmee ze uitpakken als smart city zijn vaak surveillance tools. Zo worden de nummerplaatherkeningscamera’s ingezet voor de LEZ-zone maar een verdere mogelijkheid is ze aanwenden voor bijvoorbeeld de kilometerheffing. De mogelijkheden van dergelijke tools zijn oneindig en iemand moet op een gegeven moment de grenzen aangeven.”
“Zo worden de nummerplaatherkeningscamera’s ingezet voor de LEZ-zone maar een verdere mogelijkheid is ze aanwenden voor bijvoorbeeld de kilometerheffing.”
Stan: “Wirelesshome energie tools van Engie bijvoorbeeld, zijn ook zo’n instrumenten die gepromoot worden als slim en efficiënt, die ervoor zullen zorgen dat je energieconsumptie nauwkeurig gemeten wordt. Maar dat systeem is constant verbonden met het internet en verzamelt data over alles wat je doet: wanneer je thuis bent, wanneer je gaat slapen etc … en verstuurt die naar je energieleverancier. Alleen al het feit dat het constant met het internet verbonden moet zijn, consumeert op zich al veel energie. Idem in de smart city, elke vorm van datacollectie heeft continu energie nodig.”
Chris: “Ze pushen voor een verregaande digitalisering op verschillende domeinen. Dat wil zeggen dat elke actie, elke beweging die je genereert, jaren bijgehouden wordt en via allerlei algoritmes kan gelinkt en geanalyseerd worden. Dit digitaliseringsproces zal verglijden naar meer surveillance als er geen interventie komt en of debat om het in juridische kaders te gieten.”
“Dit digitaliseringsproces zal verglijden naar meer surveillance als er geen interventie komt en of debat om het in juridische kaders te gieten.”
Maatschappelijke issues vs tech-oplossingen
Stan: “Eén van de belangrijkste activiteiten die we maandelijks organiseren zijn wandelingen. Elke keer starten we in een ander deel van de stad en creëren we kleine groepen. We wandelen rond en noteren de locaties van de verschillende surveillance tools die we tegenkomen. We proberen bij die wandelingen ook de nadruk te leggen op sociale controle. Willen we echt die hoeveelheid sociale verticale controle vanuit de staat? Maatschappelijke problemen zijn complex en hebben complexe oplossingen nodig.”
“Neem nu bijvoorbeeld de aanslagen in Brussel. Is de oplossing meer camera’s overal zetten, of gaan we ook in debat op zoek naar de oorzaken? En kijken naar bijvoorbeeld de link met ons Europees interventiebeleid in het globale zuiden?”
Chris: “De centrale vraag is, hoe framen we sociale issues? Neem nu bijvoorbeeld de aanslagen in Brussel. Is de oplossing meer camera’s overal zetten of gaan we ook in debat op zoek naar de oorzaken? En kijken naar bijvoorbeeld de link met ons Europees interventiebeleid in het globale zuiden? Dat soort debatten zien we nergens. Er wordt snel een techoplossing voorgesteld zoals camera’s voor nummerplaat- of gezichtsherkenning als wonderoplossing. Terwijl dit niets gaat veranderen aan de oorzaak van het probleem. Maar eens een dergelijke infrastructuur is opgezet, wordt die nadien wel gemakkelijker voor andere initieel onbedoelde zaken gebruikt.”
“Eens een dergelijke infrastructuur is opgezet, wordt die nadien wel gemakkelijker voor andere initieel onbedoelde zaken gebruikt.”
Stan: “Het is altijd hetzelfde riedeltje met die zogenaamde techoplossingen. Ze zullen ons leven gemakkelijker maken etc … We moeten het debat eerst aangaan over wat het probleem juist is en wat de mogelijke oplossingen kunnen zijn. Hoe komen we er en hoe kunnen we gebruiksvriendelijke digitale tools daarbij als hulp gebruiken.
Chris: “Nu gebeurt het omgekeerde. De tech-giganten van de privé-sector benaderen de lokale overheden als ze weten dat ze genoeg geld hebben en stellen tech-tools voor om de gemeente “efficiënter” te laten besturen. Maar als we nu eerst eens de problemen zouden detecteren waar bijvoorbeeld verschillende steden in het land mee te maken hebben, dan kunnen we nagaan hoe er kan samengewerkt worden om open source tools te ontwikkelen die ten dienste staan van de gemeenschap. Heel veel oplossingen kan je vinden in overleg en samenwerking met de burgers van je gemeente of stad.”
Voor meer veiligheid en tegen criminaliteit
Stan: “Het argument om veel van die surveillance tools zoals camera’s te implementeren is tegen criminaliteit en voor meer veiligheid. Maar op veel feiten heeft dat soort surveillance totaal geen effect want veel feiten gebeuren spontaan. Neem bijvoorbeeld iemand die dronken is en iemand anders aanvalt of een verslaafde die een handtas in de auto ziet liggen en de autoruit inslaat. De camera zal spontane feiten niet stoppen of verminderen. Dat tonen onderzoeken ook aan. En bewuste criminele feiten worden gewoon verplaatst. Bijvoorbeeld drugsdealers zullen door de camera niet stoppen maar gewoon een straat verder hun zaakjes regelen. Dan is de vraag, is het echt de moeite om zoveel geld te steken in een hele infrastructuur die in feite niets oplost. En we stellen ons ondertussen niet de vraag wat de oorzaak is van bijvoorbeeld verslaving etc. en hoe we dat aan de bron kunnen aanpakken.”
Wat te doen?
Chris: “Mensen kunnen online de open source kaarten aanvullen met de informatie die ze hebben, bijvoorbeeld waar er camera’s hangen in hun buurt. Daarnaast proberen we ook regelmatig online en offline events te organiseren zoals stadswandelingen, events waar je kan leren om je telefoon of computer te beveiligen, etc … Op de website is er ook een forum waar je met anderen daarover in gesprek kan gaan.”
Stan: “De campagne en de site is momenteel nog Franstalig maar er zijn plannen om het ook naar het Nederlands te vertalen.”
Nous vous invitons à nous rejoindre ce mercredi 30 juin à 18h pour le vernissage de notre installation cartographique sur la façade de l’asbl constant, Rue du Fort n°5, à deux pas du Parvis de Saint-Gilles.
Si vous n’êtes pas disponible mercredi, notez tout de même l’adresse, la carte restera installée tout l’été !
Profits à court terme, crimes environnementaux, dictature de la finance, impérialismes, injustices, discriminations, résignations, il y a dans notre société capitaliste d’innombrables raisons … de se lever du pied gauche!
Du pied gauche est une émission de débat, engagée et humaniste, qui fait entendre des voix alternatives.
Les invité.e.s s’indignent, s’insurgent, dénoncent et surtout proposent…des solutions qui frappent, on l’espère, juste et… du pied gauche!
***
Avec Laure et Corentin, de technopolice BXL ; Jessica, chercheuse sur la surveillance en Chine et à Honk-Kong ; et Chloé, de EDRi.
« À L’ÈRE LIBRE! » c’est une émission de webradio proposée tous les deux mois par l’équipe de la mission numérique des CEMÉA, pour réfléchir et échanger sur tout ce qui peut nous mettre sur la voie d’un usage critique et éthique du numérique.
Nous avons abordé avec eux les technologies de surveillance dans l’espace public, la nécessité de pouvoir être informé-e-s, s’informer et se former un regard critique sur ces technologies, de comprendre les enjeux collectifs, qui sont accessibles à toutes et tous, en dehors de toute expertise technique. Nous avons parlé du « Je n’ai rien à cacher », du concept à ne plus nommer de « smart city », de « safe city », mais aussi d’alternatives et de pistes concrètes pour brouiller et rendre obsolète cette hypersurveillance.
En avril 2020, l’Institut belge des services postaux et des télécommunications (IBPT) a, pendant plusieurs semaines, bloqué l’accès au site internet permettant aux citoyen·ne·s de s’informer sur les positions géographiques des antennes GSM (1). L’IBPT, qui procédait alors à une consultation publique en vue de la mise aux enchères de licences temporaires pour le déploiement de la 5G, a décidé que l’information nécessaire à un débat éclairé était moins importante que la sécurité des infrastructures des opérateurs de télécommunication.
La disparition de cette carte n’est pas la seule occasion où les institutions belges ont manqué de transparence concernant la 5G. Ainsi, en février 2021, le Gouvernement Wallon semble avoir décidé de maintenir confidentiel le rapport d’expertise sur la 5G qu’il avait commandé. La confidentialité du rapport est en contradiction apparente avec les recommandations mêmes des experts santé qui, selon Le Soir, réclamaient plus de transparence. Cela parait confirmer la volonté de soumettre l’information des citoyen·ne·s, pourtant nécessaire à l’appréhension et à la discussion des enjeux liés à la 5G, à des stratégies économiques et politiques.
De plus, en mars 2021, le journal Le Soir nous apprend que les opérateurs de télécommunication (Proximus, Orange, etc.) auraient « refusé de fournir aux experts wallons des données sur l’utilisation de leurs réseaux et sur les chiffres précis de consommation électrique » (2). L’information semble pourtant cruciale pour la discussion : tandis que Proximus affirmait quelques mois plutôt l’ « efficacité énergétique nettement plus élevée » des réseaux 5G (3), il est pourtant plus que probable qu’un « effet rebond » vienne contrebalancer tout gain d’efficacité énergétique (4).
Devons-nous tenir ces quelques communications pour des vérités suffisantes à poser les termes du débat ? Si la 5G est effectivement amenée à changer radicalement nos vies, elle mérite plus de transparence. Pour contrer ce maintien dans l’ignorance, le collectif Technopolice Bruxelles souhaite poursuivre son travail d’information en visibilisant la localisation de ces sites d’antennes 5G, afin que chacun·e puisse se rendre compte du monde en train de se construire et qu’il ou elle puisse participer au débat sur les technologies à adopter, à rejeter ou à adapter (5).
Nous avons donc réalisé une nouvelle carte, disponible à l’adresse carte5G.be, qui reprend l’ensemble des sites pour lesquels des permis 5G ont été accordés. Les données étaient déjà librement accessibles mais demeuraient enfouies dans les milliers de pages du cadastre. Notre carte comprend plus de 200 sites accueillant des antennes 5G. Pour la plupart, de la 5G « light »(6), et pour une quarantaine, de la 5G standard. Trois quarts de ces sites se situent en Flandre et un quart en Wallonie. Notons que la plupart des antennes wallonnes sont probablement inactives (7). L’essentiel des antennes ont été déployées par Proximus, mais d’autres opérateurs en ont également : Orange à Anvers (8), Telenet à Louvain, Malines et Aartselaar, Citymesh/Cegeka à Bruges, Courtrai et Zaventem (9, 10), et finalement Ericsson dans le campus Corda à Hasselt (11).
Parmi la foule d’arguments contre le déploiement généralisé de la 5G, Technopolice Bruxelles est particulièrement sensible aux questions de surveillance. Rappelons que la 5G va de pair avec un modèle de gestion urbaine, aussi appelée « smart city » ou « safe citiy » qui ne sont rien d’autre que la mise sous surveillance de l’espace public à des fins policières.
Sous couvert d’optimisation et d’aide à la décision, les projets de « smart city » (avec l’aide de la 5G) visent notamment à transformer l’espace public tout entier pour en faire une vaste entreprise de surveillance. À grande échelle d’abord, dédiée à la gestion des flux de populations et marchandises. Puis, une surveillance rapprochée des individus et des groupes : dès que des comportements considérés comme « suspects » sont détectés, les différents appareils répressifs pourront fondre sur eux, « préempter la menace » et réprimer la moindre petite infraction à l’ordre public. Ou à l’inverse récompenser les citoyens jugés vertueux.
Quels que soient les usages réels qui émergeront finalement avec cette nouvelle technologie mobile, ce qui est clair, c’est qu’il s’agit de connecter plus d’objets, avec un plus haut débit. Outre la récolte de données personnelles que cela va engendrer, la problématique de la géolocalisation liée aux antennes relais est trop souvent mise de côté.
Sur tous les réseaux mobiles modernes (2G, 3G, 4G et maintenant 5G), l’opérateur peut calculer l’endroit où le téléphone d’un·e abonné·e en particulier est situé à l’aide de la triangulation. La précision avec laquelle l’opérateur peut calculer l’emplacement de l’abonné·e varie en fonction du nombre d’antennes-relais et de certaines technologies propres aux antennes. La spécificité du réseau 5G est que les antennes sont capables de mieux cibler l’utilisateur·rice et que le nombre d’antennes va probablement augmenter (pour couvrir les hautes fréquences). La 5G engendrera un niveau de surveillance jamais atteint auparavant, pouvant localiser les utilisateurs·rices avec une précision de l’ordre du mètre ou du demi-mètre.
Plus directement encore, la 5G va améliorer les capacités de la police en matière de vidéosurveillance. Le déploiement de celle-ci dans les espaces urbains est actuellement entravé par des problèmes techniques. En effet, les images circulent généralement sur des réseaux mixtes de Wi-Fi et de fibre optique. L’installation de caméras est donc conditionnée par la possibilité de tirer de la fibre ou par l’instabilité des systèmes Wi-Fi. On voit donc que l’émergence d’un réseau mobile haut-débit résoudrait bien des complications. De plus, un tel système permettrait également l’intégration de caméras mobiles, en ce compris des drones. Enfin, l’existence de ce type de réseau permet aussi le traitement, en direct, des images par des logiciels d’analyse, et notamment de reconnaissance faciale. Il est donc légitime de s’inquiéter des applications répressives d’une 5G déployée dans un contexte de course effrénée à la sécurité.